The Haunting of Hill House c’est LA série Netflix qui a fait couler beaucoup d’encre. D’une part parce qu’une série d’épouvante sur Netflix, c’est pas tous les jours que ça arrive. D’autre part parce-que cette série est un véritable chef d’œuvre de mise en scène et scénaristique.
Enfin de l’horreur intelligente
Inspirée du roman éponyme de Shirley Jackson (traduit La Maison Hantée en Français), l’histoire de la série se base sur une famille de 5 frères et sœurs et leurs parents, forcés de fuir la maison hantée dans laquelle ils venaient d’aménager, suite à un drame qui sera dévoilé au fil des épisodes.
Mais, au-delà du postulat de base, The Hauting of Hill House est certes une série portée sur les démons et les fantômes, mais pas n’importe lesquels : les nôtres. Nos démons intérieurs, ceux qui nous hantent, ceux qui nous consument, ceux auxquels il est terrible de faire face.
Alors oui, cette série est grand public et pour cause : le thème de fond abordé nous concerne tous et c’est en cela que The Haunting of Hill House est intelligemment terrifiante.
Shirley Jackson aurait approuvé
C’est ce qu’a dit le King Stephen dans un tweet relatif à la série. Il faut dire que le réalisateur fait honneur au roman de bien des façons. La première et la plus terrifiante étant la scène d’introduction de l’épisode 1, ou la voix off du personnage du père (Hugh Craine) cite mot pour mot une phrase du livre, qui posera les fondations de l’histoire. Ou plutôt les fondations d’un des personnages principaux de la série : la maison.
« Aucun être vivant ne peut subsister sainement, ancré dans un réalisme absolu. Même les alouettes et les sauterelles seraient capables de rêver. Hill House, loin du raisonnable, se tenait à l’écart sur les collines et abritait les ténèbres. Elle existait depuis un siècle, avant que ma famille ne s’y installe, et tiendrait encore 100 ans. A l’intérieur les murs étaient droits, les briques alignées, le sol ferme. Le silence pesait lourdement sur le bois et la pierre de Hill House. Et ce qui arpentait ses couloirs, marchait seul. »
Le décor est posé : quelque chose arpente les couloirs de cette maison, qui elle-même est déjà loin du raisonnable, et le silence y est assourdissant.
Une série qui tord le cou au temps
Nell l’explique à ses frères et sœurs dans l’épisode final : le temps n’est pas une ligne ou les évènements s’enchainent comme des dominos qui tombent les uns sur les autres.
Au contraire, passés ou présents, nos moments nous entourent, comme de la pluie ou des confettis. Pas étonnant alors que Nell et La Dame au Cou Tordu ne soient qu’une même personne : le passé et le présent ne font qu’un.
Et c’est là la base de toute la mise en scène de Mike Flanagan : jouer sur les flashbacks et nous faire perdre cette notion du temps linéaire, pour nous amener à réaliser que les moments des personnages font d’eux ce qu’ils sont.
Pas étonnant alors que Shirley, après avoir vécu sa première expérience traumatisante de la mort, avec les chatons qu’elle avait recueillis, ait décidé de choisir comme métier de rendre la mort plus belle.
Pas étonnant non plus que la mise en scène de Flanagan et ses ellipses temporelles viennent ajouter une intrigue supplémentaire au mystère de l’histoire elle-même : ressasser le passé porte à confusion, mais il est salutaire de le revivre, pour mieux comprendre le présent.
Le silence, la demeure de tous nos fantômes
The Haunting of Hill House est une série sur les non-dits, les silences, les émotions refoulées, ces moments qui génèrent des fantômes, qui hanteront les personnages (ou nous, simples mortels) toute leur vie.
N’avez-vous jamais été tourmenté par un au revoir mal ou pas du tout formulé, une histoire qui se termine avant même d’avoir commencé, ou être passé à côté d’une belle rencontre par peur de formuler sa pensée ?
The Haunting of Hill House vient personnifier ces démons que nous portons tous en nous, ces non-dits qui nous hantent. La terreur en devient palpable, parce-que finalement réaliste.
Luke est le premier personnage à être réduit au silence, par son père : lorsque celui-ci lui présente le chapeau melon, il lui dit « c’est un chapeau de grand, les grands garçons savent distinguer le réel de l’imaginaire ». Cette phrase faisant écho à la scène de la cave ou Luke se fait attaquer et déchirer sa chemise par un vrai démon. Vrai car nous, spectateurs, en avons été témoins.
Luke est alors pris au piège par son propre père qui ne le croit pas : il va devoir alors enfermer le réel, sa réalité, sous ce chapeau. Il adoptera ce comportement toute sa vie : la drogue remplacera le chapeau une fois adulte.
Nous-mêmes, spectateurs sommes ensuite réduits au silence : nous ne croyons pas en l’existence réelle d’Abigail, l’amie (imaginaire) de Luke. Et pourtant, Abigail est bien réelle, et quelle surprise lorsque nous le découvrons. La surprise est d’autant plus grande que nous nous demandons alors pourquoi nous n’y avons jamais cru ? Pourquoi n’avoir pas remis en question le fait qu’Abigail puisse être réelle ? Sans doute parce-que nous aussi, sommes désormais entrés dans cette maison et commençons à en ressentir les effets.
Luke le dit à son frère dans l’épisode 04, où il le croise dans le couloir, alors qu’il vient de forcer la porte de son appartement pour prendre de l’argent et un iPad : « Les choses ne sont pas ce dont elles ont l’air » et pourtant, nous nous rangeons aux côtés du frère sceptique et tirons des conclusions, une fois encore, bien loin de la réalité. Nous-mêmes, avons réduit Luke au silence.
La pièce maitresse du silence étant ce secret gardé par le père de famille envers ses enfants, sur les circonstances réelles de la mort de sa femme. Toute cette famille est hantée par les silences, générés entre les murs de cette maison. Un bel écho à la phrase d’introduction tirée du livre.
Le deuil personnifié
The Haunting of Hill House est une série qui personnifie le deuil, sous toutes ses formes. Le deuil de soi, le deuil de son passé, de ses erreurs, de ses regrets, de ses fantômes.
Chaque personnage représentant une des 5 étapes du deuil et c’est là que l’on souligne une nouvelle fois le génie de Flanagan, qui a su donner une telle profondeur à ses personnages.
Une personnification du deuil qui prend alors tout son sens dans l’épisode 6 : véritable chef d’œuvre de maitrise. Mike Flanagan nous enferme dans le funérarium avec toute la famille, venue rendre un dernier hommage à Nell, qui repose dans son cercueil ouvert.
Une mise en scène de génie, composée de 5 plans séquences (autant que le nombre de frères et sœurs), donnant à cet épisode en presque huis-clos, une dynamique pesante, étouffante, brillante. La famille réunie va devoir faire face à ses démons, dans le passé et dans le présent et de manière quasi simultanée.
Un épisode qui rappelle le film d’Hitchcock La Corde, lui aussi réalisé en un seul plan séquence (qui n’en est en réalité pas un, techniquement parlant, mais la frontière entre le réel et ce que l’on voit avec nos yeux est mince, n’est-ce pas ?)
Faire face à ses démons pour survivre
L’épisode final vient alors nous livrer les secrets de l’intrigue, les silences sont comblés et les démons exorcisés. Le père révèle enfin à Steven ce qu’il a vraiment vu le soir du drame où ils ont été contraints de quitter la maison, la pièce rouge nous ouvre enfin ses portes et la maison, sorte d’entité démoniaque jusque là, devient aussi un refuge pour certains (la famille Dudley avec leurs deux enfants décédés).
Maintenant la vérité entendue de la bouche de son père, Steven peut alors laisser ses démons derrière lui et refermer la porte du passé, dans une scène absolument sublime et lourde de symbolique. Les fantômes de la maison, tous présents dans le hall, l’escortent vers la sortie. La terreur a fait place à la bienveillance, la maison abrite nos fantômes, qui ne sont autres que ce que nous sommes, ils nous accompagnent ou nous terrifient, on les combat ou on les regarde en face, la conclusion ne tient finalement qu’à nous.
La voix off du père, à l’instar de l’épisode 1 vient alors conclure cette série magistrale en soulignant le lien étroit qui existe entre la peur et l’amour : l’abandon de toute logique et le renoncement des schémas rationnels. C’est d’ailleurs bien ce que nous avons fait, pendant 10 épisodes.
« La peur. La peur est l’abandon de toute logique. Le renoncement aux schémas rationnels.
Mais l’amour semble être la même chose. L’amour est l’abandon de toute logique. Le renoncement aux schémas rationnels.
Soit on y cède, soit on le combat. Aucune demi-mesure n’est possible. Sans lui, on ne peut pas perdurer sainement ancrés dans un réalisme absolu.
Hill House, loin du raisonnable, se tenait sur les collines et abritait les ténèbres. Elle a subsisté pendant un siècle et pouvait tenir encore 100 ans. A l’intérieur les murs étaient droits, les briques alignées, le sol ferme et les portes sagement fermées. Le silence pesait lourdement sur le bois et la pierre de Hill House. Et ceux qui arpentaient ses couloirs, étaient unis. »
En bref, une série magistrale comme j’en aurais vu peu. Le parallèle avec Lost ou The Leftovers peut être fait, dans le sens où cette série hantera longtemps nos pensées.
Note : 5 tronçonneuses, haut la main et sans gants.
A VOIR SI
- Vous aimez l’horreur intelligente, qui véhicule un message et pas que du sang
- Vous avez Netflix, HAHA
- Vous aimez les chatons qui crachent des mouches
A NE PAS VOIR SI
- Vous recherchez uniquement la frayeur, les jump scares et les monstres aux visages flippants (il y en a pleins, hein, mais pas que)
- Vous avez peur des fantômes
- Vous n’avez pas le temps, il vous faut rattraper les 5 émissions de The Voice Kids (merci de quitter ce site immédiatement)
Crédits photos: IMDb