« Luca », roman de Franck Thilliez : un thriller machiavélique et brillant

Sème la terreur

Luca, roman de Franck Thilliez

Allez, encore un chapitre et j’arrête. Je regarde l’heure : 1h00 du matin, je me dis qu’une demi-heure de plus ou de moins, à ce stade, ça ne changera rien. Le chapitre est dévoré, puis un autre et encore un autre. Quel plaisir immense cette lecture, je suis ravie d’être tombée sur cette pépite, et ne veut plus la lâcher. « Mon précieux » comme dirait Golum. Ouais, c’est surtout toi qui va ressembler à Golum demain au travail, compte tenu de l’heure.

D’ailleurs quelle heure est-il maintenant ? Je regarde à nouveau ma montre : 4 heures… Bon sang tu es dingue, tu bosses demain, mais dans quel état tu vas être ? Aux anges. Exténuée certes, mais aux anges (du futur). J’ai passé la nuit à cauchemarder avec Luca.

La rencontre

A croire que cette rencontre avec le Luca de Franck Thilliez était écrite, elle aussi. Tout commence un banal jour d’emplettes, dans l’unique but de réunir quelques vivres essentielles à ma survie pour ce week-end : café, eau et peut-être de quoi manger. Pas partie pour une virée shopping littéraire donc.

Et puis je tombe sur Luca, là dans la librairie, juste devant moi. Discret mais bien présent. Je ne connaissais pas encore les œuvres de cet auteur, ce qui m’arrête est le titre du roman, qui me fait sourire : ça ferait marrer Luca, mon collègue de travail et ami. Alors par curiosité je le prends entre mes mains et découvre ce qu’il a à offrir en quatrième de couverture. Mon petit Luca, toi et moi on était faits pour se connaître, tu m’as l’air d’être diablement passionnant. C’est décidé, je l’adopte sur le champ. Il fera partie intégrante du kit de survie de ce week-end, au même titre que le café.

La dernière nuit paisible

Arrivée à la maison, j’installe Luca sur mon étagère fétiche, celle des livres à lire, mon petit placard aux merveilles. Le petit Luca y prend ses marques, et y passera une première nuit calme. Il fait ses nuits comme on dit.

Le lendemain matin, au réveil, Luca se fait étrangement moins discret, il est là et on n’entend que lui. Il cherche l’attention on dirait. Il faut croire que la quatrième de couverture a fait son chemin dans mon esprit : la nuit a porté ses fruits, et mon inconscient me le fait savoir. Ok, promis ce soir après le boulot, on passe la soirée ensemble. Ce n’était pas forcément prévu, la pile de livres à lire avait d’autres candidats en lice pour ce week-end, mais tant pis, la curiosité a pris le dessus, on va voir ce que tu as dans le ventre.

Le plongeon en enfer

Luca a beau être un nouveau-né dans ma collection, il prend très rapidement les devants et m’emmène droit en enfer. D’abord dans une chambre d’hôtel, pour une transaction glauque et glaciale : une insémination artificielle. Puis il me fait assister à la découverte d’un cadavre mort dans d’atroces circonstances, pour enfin m’emmener assister à une scène surréaliste, devant le 36 Quai des Orfèvres. Le ton est donné, on est en route vers l’enfer.

Je n’en reviens pas, dès les premiers chapitres, je sais que j’ai ouvert la boîte de Pandore. Je suis foutue, impossible de m’en sortir indemne. Ce roman me concerne de près : Luca c’est le prénom de mon collègue de travail. Travail que j’exerce, en partie parce que Google et Facebook existent, je suis à la merci des GAFA et mon petit doigt (qui est bien attaché à ma main) me dit que je vais adorer le message que Luca est venu délivrer.

Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance

Je continue ma délicieuse descente en enfer, divine comédie humaine orchestrée par le commandant Sharko et son équipe, qui, au fil de ses découvertes, laisse entrevoir le cauchemar qui se profile.

Abandonnez toute espérance d’évoluer dans un Paris champêtre, le Paris dans lequel Luca vous entraîne est sous l’eau, il se fait inonder, littéralement et se noie sous les aspects les plus abjects de l’homme. Ici Amélie Poulain pourrait être une prostituée accro au crack.

Abandonnez toute espérance d’avoir un peu de répit, chaque page qui se tourne est un nouveau coup de scalpel dans vos convictions, vos intuitions et vos croyances. Luca vous a pris par la main, et n’entend pas la lâcher avant de la couper net.

Abandonnez toute espérance de dormir cette nuit. Luca est spécial et turbulent, vous n’aurez plus envie de le délaisser pour vous abandonner dans les bras de Morphée, et préférerez faire face à l’Hydre de Lerne ou a un Cerbère difforme.

Abandonnez toute espérance d’échapper aux questions de fond que soulève ce roman. La thématique est au cœur de nos vies, tapie au fond de nos ordinateurs, blottie dans un coin de notre compte Facebook, stockée dans les nuages siliconés des géants du web, gravée dans nos séquences d’ADN. De quoi se Crispr un peu.

L’Esprit malin derrière cette machination

Il est maintenant 4H30 et je viens de littéralement mettre le doigt sur le point final du roman. J’ai suivi le requin Sharko évoluer dans les eaux troubles parisiennes, j’ai appris à connaître et à comprendre Luca. J’ai pris une claque en pleine figure.

Malgré la fatigue, impossible de m’endormir, trop intriguée et encore prise dans les filets de cette histoire complexe, de toutes ces ramifications, du passé compliqué de ses personnages et de la réelle question éthique et des dérives aussi folles qu’absurdes que le sujet aborde et qui existent sans doute déjà.

On est pas face un simple roman, on est face à la réalité, notre réalité. A la réflexion, j’ai l’impression d’avoir lu un épisode de Black Mirror. Un scénario tout aussi puissant, des questions soulevées toutes aussi dérangeantes, d’actualité et étrangement familières.

Un mythe de Prométhée version 2.0 : on doit accepter qu’un progrès scientifique majeur puisse aussi impliquer une catastrophe. Prométhée offre le feu à l’homme et il va se brûler les doigts. Mais pas de panique, Marck Zuckerberg veille sur nous.

Je me demande aussi quel esprit a pu composer un tel chef d’œuvre. De maîtrise, de rigueur, de probables montagnes de documentation tellement le sujet abordé est précis. Jamais je n’avais lu une histoire aussi finement orchestrée, une petite bombe de mots qui vous explosent à la figure et vous collent au cerveau. Et puis finalement je réalise ce qui me tient encore éveillée et en alerte : je crois bien que je viens d’engloutir le meilleur thriller que je n’ai jamais lu.

Je finirai par m’endormir le sourire aux lèvres, avec le petit Luca dans les bras et un seul mot à l’esprit : merci.


Sème la terreur

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